Une année bien occupée pour Ariane Moffatt

Au moment de sa sortie, en 2015, Ariane Moffatt a offert aux journalistes et à ses fans la clé nécessaire pour décoder le titre de son cinquième album, 22h22. Comme tout le monde, il lui est arrivé de poser le regard sur son cadran numérique alors qu’il affichait cette heure parfaite. Comme plusieurs, elle s’est demandé s’il n’y avait pas un message caché derrière la parfaite symétrie de cette « série de deux » où elle devinait « un monde étrange » comme elle le raconte dans la pièce-titre de l’album.

Il n’en fallait pas plus pour titiller la fibre créative de la musicienne, qui a trouvé dans ce symbole une façon de parler de ses joies et de ses craintes les plus intimes de la meilleure façon possible: dans un album pop à la fois complexe accrocheur, capable de toucher un vaste public tout en satisfaisant ses fans de longue date.

Pour Ariane, le chiffre 2 se décline de multiples façons: le couple qu’elle forme avec sa conjointe Florence Marcil Denault représentait la première paire (leur relation est évoquée de manière très touchante sur Les deux cheminées, une autre image double). Les jumeaux nés de cette union complètent l’équation et sur la chanson Matelots et frères, on entend les voix et les premières expériences musicales de Paul et Henri, ses fils chéris.

Mais le bonheur familial est une chose fragile et Mama Moffatt le sait bien. Dans les Tireurs Fous, elle parle de sa crainte d’élever ses enfants dans un monde où le risque de voir un illuminé armé détruire des vies innocentes fait partie du quotidien. De cette angoisse intime, elle a tiré une chanson dont la portée se révèle de plus en plus large chaque jour. Lors de son spectacle aux Francofolies, donné peu de temps après les attentats du club Pulse à Orlando, la chanson a perdu son côté anxieux pour devenir un hymne fédérateur, un doigt d’honneur à la fatalité en forme d’arc-en-ciel plein d’espoir.

De son propre aveu, Ariane a peut-être trop expliqué le concept derrière l’album, alors que les chansons se défendent très bien toutes seules. La dualité de cet album est d’ailleurs immédiatement apparente: d’un côté, 22h22 propose des chansons douces et dépouillées à l’extrême alors que de l’autre, il propose de danser tout son soûl sur de petites explosions électro pop comme l’irrésistible Miami.

Entourée de son fidèle collaborateur Jean-Phi Goncalves, du clavériste de Karkwa François Lafontaine et de plusieurs amis musiciens, elle a créé un disque à son image, tout en contrastes et textures variées. L’album connaît depuis une deuxième vie, dans une version live où le plaisir et le groove prennent le dessus sur le concept, et “c’est très bien comme ça”, comme disait l’autre.