Laura Sauvage – Du grunge féminin version 2016
Lorsqu’elle chante en français, c’est avec un groupe au nom anglophone. Mais lorsqu’elle s’exprime en anglais, c’est sous un pseudo à consonance francophone. Bienvenue dans l’univers musical de Viviane Roy, membre fondatrice du trio Hay Babies, qui s’amuse maintenant avec un projet solo sous le nom de Laura Sauvage.
Elle avait réussi à nous titiller avec un mini-album intrigant, Americana Submarine, dont le titre semblait évoquer tour à tour ses origines maritimes et son amour des musiques roots du continent. Après ce premier coup de sonde, la voie semblait toute tracée: Viviane avait en réserve assez de chansons qui n’auraient pas trouvé leur place dans le répertoire des Hay Babies et qui ne demandaient qu’à trouver leur place au soleil.
C’est ainsi Laura Sauvage, chanteuse au patronyme idéal, a pris son envol: elle a troqué temporairement ses amies musiciennes pour une gang de gars dont elle est clairement la boss, comme en témoigne la casquette de capitaine vissée en permanence sur sa tête, et elle a foncé tête baisée, s’enfermant dans un chalet pour enregistrer Extraordinormal. Avec un son plus cru et plus percutant que celui des Hay Babies, ce premier album, met en lumière la plume évocatrice de Viviane, qui présente une une galerie de personnages colorés et quelques histoires personnelles tragi-comiques. Il y a un certain humour, un brin décalé, dans ces chansons rock teintées de folk, de country et de rock alternatif et aussi un côté sombre, voire mélancolique.
Parmi les influences clairement revendiquées de la chanteuse, on trouve d’ailleurs beaucoup d’indie rock des années 1990. On reconnaîtra ainsi des touches de Beck, avec qui elle partage un amour pour les titres de chansons absurdes (comme Jesus Wants to be My Buddy ou White Trash Theater School, par exemple) et dont elle reprend une chanson méconnue, la trop brève Cyanide Breath Mint; des inflexions vocales qui pourraient rappeler la Cat Power des débuts et même un riff de guitare qui semble carrément pompé sur All Apologies de Nirvana dans l’intro de l’excellente Nothing to Something & Vice Versa. Son petit côté grunge, manifeste sur F****r (Stole My Phone) pourrait même la rapprocher d’une Courtney Barnett, une autre excellente conteuse à guitare ou de sa compatriote du Nouveau Brunswick Julie Doiron.
Le réalisateur Dany Placard excelle à faire briller les chansons de Laura Sauvage, qu’elles soient rugueuses et maximalistes ou intimes et dépouillées. Mais peu importe le registre, on s’étonne de trouver autant de profondeur dans cet album, qui prouve clairement que Viviane Roy, malgré son jeune âge, peut mener de front deux carrières dans deux langues différentes. On attend la suite avec impatience.