Richard Seguin: Entre ville et nature
Le première chanson de l’album Les Horizons Nouveaux a beau s’intituler Quand on ne saura plus chanter, il est pratiquement impossible d’imaginer un monde dans lequel la voix Richard Séguin ne résonnerait plus. Plus de 45 ans après ses débuts aux côtés de sa soeur Marie-Claire, le troubadour folk demeure l’une des voix essentielles de la chanson québécoise. Certes, il est aujourd’hui bien loin des sommets de popularité atteints au tournant des années 1980-1990, à l’époque des albums Journée d’Amérique et Aux Portes du Matin; mais ça n’a pas empêché le chanteur de nous offrir son meilleur disque depuis longtemps.
Bien que plusieurs chansons bénéficient d’arrangements riches et de jolies harmonies vocales (notamment sur la magnifique Vents Contraires, qu’on imaginerait facilement chantée par Bon Iver), une guitare et un harmonica auraient suffi pour que ces nouvelles chansons prennent leur envol. Il y a sur ce disque une espèce de simplicité volontaire réjouissante qui témoigne de la qualité de l’écriture de Séguin.
Fidèle à son image de chantre des gens ordinaires, Séguin détourne les projecteurs de la star et illumine l’arrière-scène avec Roadie, un hymne aux techniciens sans lesquels le spectacle n’aurait jamais lieu. Épaulé par Vincent Vallières et Patrice Michaud, il affirme que « les vrais rockers n’ont jamais eu de micro », une phrase qui résume à elle-seule sa vision du monde: la vie est faite d’une accumulation de petits gestes posés par des gens anonymes. Bref, plutôt que de s’éloigner du monde, Richard Séguin l’observe et l’embrasse, dans toute sa beauté et dans ses failles. Engagé, il l,est toujours mais il aborde commente les grands sujets de société avec sensibilité et délicatesse, comme lorsqu’il évoque l’exode rural qui dépeuple et affaiblit les petits villages du Québec sur Dans Mon Coeur ou lorsqu’il se penche sur le sort des réfugiés sur Au Bord du Temps.
À l’âge où certains contemplent la retraite, Richard Séguin semble plus vivant que jamais. Observateur lucide d’une planète qui tourne rarement rond, il est aussi un grand optimiste, un amant de la nature qui médite sur la vie et la musique lors de ses longues marches, qui sont pour lui de véritables séances de méditation en mouvement. Avec franchise et simplicité, il nous livre le fruit de ses réflexions dans une forme simple qu’il peaufine depuis ses débuts. Et lorsqu’il s’indigne, c’est par amour du monde qui l’entoure. Il sait bien qu’Il ne changera peut-être pas le monde avec ses chansons. Mais ce n’est pas ça qui va l’empêcher d’essayer.